1956, il se souvient…

1956, il se souvient…

Jacques Bergeon, alias Jean-Pierre, est le dernier photographe à avoir couvert le mariage du prince Rainier et de Grace Kelly. Installé désormais à Luchon, il évoque pour Monaco Hebdo ses souvenirs si particuliers.

Par Aline Lambert (Publié le 1 juillet 2011 à 12h10)

«Une foule immense les acclamait et les cloches de toutes les églises carillonnaient allègrement tandis que le soleil, signe d’heureux augure, perçait enfin. » Le 19 avril 1956, le Prince Rainier et Grace Kelly quittaient la cathédrale de Monaco, fraîchement mariés. A aujourd’hui 78 ans, Jacques Bergeon, photographe professionnel, se souvient du « scoop de (s) a vie ». Il était alors âgé de 24 ans et le plus jeune d’une large communauté de photographes venus pour le mariage. Il est accompagné de son père Jean-Pierre Bergeon, fondateur en 1930 du studio Jean-Pierre, place de la Crémaillère.

© Photo Jean-Pierre

Défilé de grands noms

Véritable tournant pour la Principauté, le mariage du siècle devient alors un détonateur de l’intérêt médiatique pour le Rocher et la dynastie Grimaldi. 1?800 reporters sont présents. Jacques et son père ne sont pas photographes de presse. Mais grâce à leur ami Fausto Picedi, photographe du prince Rainier, ils obtiennent une accréditation pour le mariage auprès d’Emile Cornet. Ce dernier avait à l’époque créé un centre de presse dans les locaux de l’Ecole des frères, place de la Visitation.

« Un pool fut donc organisé entre les photographes de Monaco sous la direction de M. Cornet, chacun ayant une place réservée pour opérer. » Son père sera aux premières loges?: quai Antoine 1er pour l’arrivée de Grace Kelly sur le yacht Deo Juvante le 12 avril, et la cour du Palais le 17 avril, pour la remise du bouquet à la future princesse. Jacques put photographier le 19 avril, les invités place du Palais, puis les mariés, à la sortie de la cathédrale.

De nombreux invités prestigieux défilent devant son objectif. « Quelle impression, jamais je n’avais photographié autant de personnalités à la fois. » Jean Cocteau, François Mitterrand qui représentait la France, les acteurs David Niven et Ava Gardner, l’Aga Khan, l’ancien roi Farouk, le milliardaire Aristote Onassis… « J’eus aussi l’occasion de faire connaissance de Monseigneur Gilles Barthe, évêque de Monaco, lequel bénit les mariés. »

Une princesse « rayonnante »

Le jeudi 19 avril, depuis la tribune réservée aux photographes face à la cathédrale, Jacques voit arriver le prince Rainier. Il est bientôt suivi de la future princesse, au bras de son père. A midi, Jacques photographie les nouveaux mariés à la sortie de la cathédrale, puis lorsqu’ils montent dans leur voiture. « Dans leur Rolls décapotable, le prince et la princesse se dirigeaient vers l’Eglise Sainte Dévote où la princesse, rayonnante dans sa splendide robe de dentelle ancienne, saluait la foule avant d’aller déposer son bouquet aux pieds de la statue de la sainte. » Armé de son appareil Rolleiflex, il ne peut prendre que deux photos. Ces appareils sont lents et doivent être rechargés toutes les 12 poses. Autant dire que mitrailler était alors impossible.

Howell Conant au studio Jean-Pierre

A l’époque, le Palais ne disposait d’aucun laboratoire photo. Le photographe officiel de la cérémonie et ami de la princesse, Howell Conant, se retrouve alors dans l’impossibilité de développer ses clichés. Fausto Picedi lui propose d’y procéder au studio Jean-Pierre. Howell Conant tira ainsi l’ensemble de ses photographies avec Jean-Pierre Bergeon, dans son laboratoire. « Son assistant, pour éviter les « fuites » et ne connaissant pas l’intégrité de mon père, déchirait systématiquement toutes les épreuves?! » Quand il évoque tous ces souvenirs, Jacques l’admet?: il a été un « témoin privilégié d’un moment doté d’une grande charge émotionnelle et qui reste le plus inoubliable d’une longue carrière ».

Les Jean-Pierre

Jacques Bergeon est le deuxième d’une dynastie de photographes professionnels. Son père s’installe en Principauté en 1930, avec son studio Jean-Pierre, nommé de son prénom. En 1933, il ouvre un second studio, à Luchon, pour l’activité estivale, Monaco ne connaissant à l’époque qu’une saison hivernale. Les Jean-Pierre quittent Monaco en 2000 pour rejoindre leur succursale de Luchon. Ils ont depuis laissé leur place au fils de Jacques qui en tient les rênes. Les trois générations signent leurs photos du nom du studio.

Jacques a immortalisé tous les événements de la Principauté?: les fêtes nationales, les prises d’armes, les remises de distinctions, les Grands prix de Formule 1. Il y revient une fois par an, en vacances. Il regrette aujourd’hui de ne pas pouvoir être présent au mariage du prince Albert?: « Je suis trop âgé et trop loin », explique-t-il avec humour.

(source: monaco-hebdo.com)

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